Radoslaw Sikorski, européen de l'année?
Un nom à retenir en cette fin d’année : Radoslaw Sikorski. Il s’agit du ministre des affaires étrangères polonais. L’appel qu’il vient d’adresser, de Berlin, à l’Allemagne mériterait, pour le moins, que lui revienne le titre d’ « Européen de l’année ». Jamais, en effet, aucune personnalité européenne ne s’était adressé de façon aussi émotionnelle, solennelle, et en même temps explicite à la chancelière et au peuple allemand à travers elle, afin de les mettre devant leurs responsabilités historiques. Le fait qu’il soit polonais ne fait qu’ajouter au caractère extraordinaire de cette supplique, qui vient de lui valoir la une du Financial Times. Citons en l’essentiel : « Le plus grand danger pour la sécurité de mon pays, n’est ni le terrorisme, ni les tanks allemands, ni les missiles russes, mais l’effondrement de la zone euro. J’en appelle à l’Allemagne pour que, pour notre bien commun, elle l’aide à survivre et à prospérer. Je serai sans doute le premier ministre des affaires étrangères polonais à le dire ainsi : J’ai moins peur de la puissance allemande que je ne commence à craindre son inaction. Vous êtes devenue, en Europe, la nation indispensable. »
Pour Radoslaw Sikorski, dont le pays ne fait pas (encore) partie de la zone euro, on devine la difficulté d’un tel discours qui souligne combien l’acquis de la paix est profond en Europe, mais aussi peut s’avérer fragile, même si, comme le souligne Gideon Rachman dans le même journal, il est difficile pour quelqu’un qui a grandi dans cette ère de stabilité et de paix qui dure depuis 66 ans, d’imaginer que les fléaux du passé puisse revenir hanter notre présent.
Nicolas Sarkozy ne pouvait aller aussi loin envers l’Allemagne, sous peine de souligner le conflit qui fait rage dans le « couple » derrière les portes closes, au sujet de l’évolution du rôle de la BCE qui est la seule à pouvoir éviter le désastre en garantissant de façon illimité la dette des pays de la zone euro. Ce que s’obstinent à refuser l’Allemagne au nom d’une chimérique lutte contre l’inflation. En effet, au rythme ou sont révisées à la baisse les statistiques de croissance européenne, c’est plutôt la déflation qui nous menace.
La plupart des économistes et des responsables politiques (exception faite des allemands) réfutent l’argument du ministre des finances Schäuble, selon qui les contribuables allemands seraient alors mis à contribution pour sauver les pays les p^lus impécunieux. Ils avancent qu’il suffirait d’une forte déclaration d’intention de la BCE et des dirigeants unanimes de la zone euro pour que cesse aussitôt la spéculation aberrante qui vise jusqu’à l’Allemagne.
Il ne s’agit ni de tomber dans la germanophobie primaire, ni de demander un quelconque « cadeau de Noël » aux Allemands, mais de leur faire comprendre qu’ils ne peuvent plus raisonner avec des vieilles lubies, fussent-elles solidement ancrées dans leur psyché nationale. S’ils l’entendent ainsi, alors Mme Merkel pourrait mériter de partager ce prix d’Europeen de l’année avec M.Sikorski. Ce serait un beau symbole.
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