mar, 11/26/2013 - 13:31
Israël/Iran: Bienvenue chez les paranos!
Hier j'ai proposé une analyse rationnelle de l'accord de Genève pour mes "amis" Facebook. Mal m'en a pris. Je suis consterné par la tonalité de certains commentaires qu'elle a provoqués. Visiblement certains pensent vraiment qu'une catastrophe comparable à la Shoah se prépare.
Ca a commencé par une réponse à un message qui me demandait ce que je pensais de l'accord de Genève. J'ai pensé que le mieux était de reposter un lien vers un papier paru sur France24 il y a une semaine. Je l'ai accompagné d'un "statut" qui disait qu'en gros il ne fallait pas sauter de joie mais que les parallèles avec les accords de Munich (1938, lorsque la France et la Grande Bretagne fermaient les yeux sur l'annexion de la Tchékoslovaquie par Hitler) me semblaient pour le moins éxagérés...
Parmi les nombreux commentaires, certains me félicitaient, mais un grand nombre me traitaient d'idéaliste, de naïf. Je ne verrais pas à quel point les occidentaux se laisseraient berner par Téhéran qui aurait réussi à rouler tout le monde dans la farine et aurait l'intention de profiter de ce répit de 6 mois pour fabriquer une bombe qu'il expédirait aussitôt sur Riyad ou Tel Aviv entrainant un génocide doublé d'une guerre planétaire. Je résume, bien sûr.
Je ne sous estime pas du tout la responsabilité des Iraniens. Ahmadinejad et encore récement Khamenei qui a dit que les "chiens sionistes" devaient être exterminés.
Israël se sent menacé. C'est un fait. Les Israéliens ont appris à prendre au sérieux ce genre de menaces, et à être prêts à se défendre. Etant donné la taille du pays, sa situation géographique, ça se comprend facilement. Ce comportement explique sûrement aussi pourquoi le pays est encore debout.
Mais pourquoi est-il si difficile aux Israéliens, aux amis d'Israël, de se mettre trente secondes à la place des Iraniens?
L'Iran se voit comme un pays isolé géographiquement. Son Islam chiite minoritaire est entouré de pays arabes hostiles. L'un d'eux, l'Irak lui a même livré une guerre pendant 8 ans. Même si la majorité des Irakiens sont chiites, le pays était dirigé à l'époque par une oligarchie sunnite. L'Iran, dans sa longue histoire, a aussi souffert des ingérences occidentales. Il cherche à accroitre son influence régionale, à consolider ses alliances. Pour cela il n'a pas hésité à utiliser l'arme terroriste: Au Liban, en Argentine, en Bulgarie contre ses ennemis: les sionistes et tous ceux qui contestaient son action ou sa politique. La France a eu à en payer le prix dans les années 80 et 90.
Aujourd'hui avec l'émergence du djihadisme sunnite communément désigné par l'appellation "Al Qaïda", il a plutôt tendance à en être victime.
J'ajoute que les menaces de bombardement israéliens sur les installations nucléaires ne sont pas particulièrment rassurantes pour l'Iranien de la rue.
Tout ça ce sont des faits.
J'ai toutefois essayé d'expliquer pourquoi les occidentaux, mais aussi Israël avaient interêt à donner une chance à cet accord. "Give peace a chance" comme on dit:
Ce n'est pas par irénisme ou par angélisme.
D'abord, tout le monde souhaite éviter l'option militaire qui pourrait dégénérer en guerre totale et provoquer une crise économique et financière devastatrice. Sans aboutir à la disparition durable des installations nucléaires.
Mais aussi parce que le principal risque de guerre,pour Israël, vient du Hezbollah. Et le Hezbollah ne fait rien sans en référer au préalable aux mollahs de Téhéran. Or, les précédentes confrontations se sont terminées par des "matchs nuls" et ont été très meurtières de part et d'autre. La prochaine risque de l'être davantage encore en raison de l'augmentation du nombre de missiles et du fait que la doctrine israélienne consiste à frapper très fort et très vite avant que la communauté internationale ne l'oblige à reculer. Bref, tout ça n'a aucun sens et Israël gagnerait à avoir un accord de non agression avec l'Iran et ses alliés.
Ensuite, parce que les Etats font avant tout la politique de leur géographie. Et l'Iran, pas seulement la République Islamique, l'Iran comme entité historique se satisfait très bien d'un Etat Juif fort au Moyen-Orient, comme contrepoids aux Arabes. D'ailleurs, exception faite de quelques affaires d'espionnage montées en épingle pour des raison de propagande, l'importante communauté juive iranienne n'a jamais été persécutée ni inquiétée, contrairement à ce qui est arrivé depuis 1948 dans pratiquement tous les pays arabes. Or, la psychée israélienne a ceci de commun avec celles des Perses, qu'elle est aussi celle d'une Nation isolée, entourée d'ennemis arabes.
Et là, il n'y a pas quatre, mais seulement trois possibilités pour Israël:
-Soit, pour affronter l'Iran, s'allier aux pays arabes sunnites, et il lui faut pour cela régler préalablement et complètement le problème palestinien.
-Soit l'alliance stratégique avec les pays non arabes, c'est à dire avec la Turquie et l'Iran. C'est l'objectif qu'elle poursuivait dans les années 70. Jusqu'à la révolution islamique à Téhéran.
Je me souviens encore de mon oncle qui travaillait alors pour une société de shipping israélienne (la Zim) et qui voyageait régulièrement à Téhéran. Il en revenait à chaque fois ébloui par la qualité de l'accueil des Iraniens, leur finesse et leur intelligence. Et très satisfait des relations commerciales nouées avec ses partenaires.
Depuis 1979, les mollahs ont instrumentalisé leur conflit avec l'occident et Israël pour relégitimer l'Iran aux yeux des pays musulmans. ça a marché, grosso modo jusqu'en 2001. Depuis, un autre fondamentalisme, sunnite celui là, lui a volé la vedette. Puis il y a eu l'AKP en Turquie et le soit disant modèle turc, les retour des Frères musulmans, les "printemps arabes" et maintenant...la confusion et surtout une confrontation impitoyable entre chiites et sunnites-Iran contre Arabie Saoudite et Qatar- dont l'épicentre est la Syrie.
Mais il y a la troisième option, qui est de loin la meilleure et qui est...un mélange des deux premières:
Continuer à négocier avec les Palestiniens pour essayer de régler ce conflit. Mais cela prendra du temps et il y aura encore bien des contentieux (Jérusalem..), sans doute aussi de la violence, ET tenter en même temps un apaisement avec l'Iran qui a opté pour la modération. Cela suppose la déséscalade entre les deux pays, ou qu'au minimum la confrontation en reste au stade rhétorique.
Voilà ce que j'essayais d'expliquer. Mais je constate que Netanyahou n'a d'autre objectif que d'empoisonner la vie d'Obama et de se présenter en sorte de "roi des Juifs", lorsqu'il ne cesse de comparer l'Iran à l'Allemagne nazie, ou en prédisant un "nouvel Holocauste" si on laisse l'Iran se doter de la bombe. Se faisant il entretient, dans une partie du monde juif, une paranoïa effrayante, tétanisante, étouffante. Si on n'y cède pas on est un crétin qui n'a rien retenu de l'Histoire.
Plus grave, il prend le risque de mettre en danger la relation avec les Etats-Unis et il est d'ailleurs de plus en plus critiqué pour cela en Israël.
Bien sûr, il faut empêcher un Iran nucléaire.
Mais aujourd'hui, c'est aussi simple que cela: il y a plus de chances d'y parvenir par un accord sous surveillance internationale que par des menaces de guerre qui ne font qu'entretenir une autre paranoïa: celle des Iraniens.
Quand je vous dit qu'ils sont fait pour s'entendre...
Illustration: Michel Kichka
Ca a commencé par une réponse à un message qui me demandait ce que je pensais de l'accord de Genève. J'ai pensé que le mieux était de reposter un lien vers un papier paru sur France24 il y a une semaine. Je l'ai accompagné d'un "statut" qui disait qu'en gros il ne fallait pas sauter de joie mais que les parallèles avec les accords de Munich (1938, lorsque la France et la Grande Bretagne fermaient les yeux sur l'annexion de la Tchékoslovaquie par Hitler) me semblaient pour le moins éxagérés...
Parmi les nombreux commentaires, certains me félicitaient, mais un grand nombre me traitaient d'idéaliste, de naïf. Je ne verrais pas à quel point les occidentaux se laisseraient berner par Téhéran qui aurait réussi à rouler tout le monde dans la farine et aurait l'intention de profiter de ce répit de 6 mois pour fabriquer une bombe qu'il expédirait aussitôt sur Riyad ou Tel Aviv entrainant un génocide doublé d'une guerre planétaire. Je résume, bien sûr.
Je ne sous estime pas du tout la responsabilité des Iraniens. Ahmadinejad et encore récement Khamenei qui a dit que les "chiens sionistes" devaient être exterminés.
Israël se sent menacé. C'est un fait. Les Israéliens ont appris à prendre au sérieux ce genre de menaces, et à être prêts à se défendre. Etant donné la taille du pays, sa situation géographique, ça se comprend facilement. Ce comportement explique sûrement aussi pourquoi le pays est encore debout.
Mais pourquoi est-il si difficile aux Israéliens, aux amis d'Israël, de se mettre trente secondes à la place des Iraniens?
L'Iran se voit comme un pays isolé géographiquement. Son Islam chiite minoritaire est entouré de pays arabes hostiles. L'un d'eux, l'Irak lui a même livré une guerre pendant 8 ans. Même si la majorité des Irakiens sont chiites, le pays était dirigé à l'époque par une oligarchie sunnite. L'Iran, dans sa longue histoire, a aussi souffert des ingérences occidentales. Il cherche à accroitre son influence régionale, à consolider ses alliances. Pour cela il n'a pas hésité à utiliser l'arme terroriste: Au Liban, en Argentine, en Bulgarie contre ses ennemis: les sionistes et tous ceux qui contestaient son action ou sa politique. La France a eu à en payer le prix dans les années 80 et 90.
Aujourd'hui avec l'émergence du djihadisme sunnite communément désigné par l'appellation "Al Qaïda", il a plutôt tendance à en être victime.
J'ajoute que les menaces de bombardement israéliens sur les installations nucléaires ne sont pas particulièrment rassurantes pour l'Iranien de la rue.
Tout ça ce sont des faits.
J'ai toutefois essayé d'expliquer pourquoi les occidentaux, mais aussi Israël avaient interêt à donner une chance à cet accord. "Give peace a chance" comme on dit:
Ce n'est pas par irénisme ou par angélisme.
D'abord, tout le monde souhaite éviter l'option militaire qui pourrait dégénérer en guerre totale et provoquer une crise économique et financière devastatrice. Sans aboutir à la disparition durable des installations nucléaires.
Mais aussi parce que le principal risque de guerre,pour Israël, vient du Hezbollah. Et le Hezbollah ne fait rien sans en référer au préalable aux mollahs de Téhéran. Or, les précédentes confrontations se sont terminées par des "matchs nuls" et ont été très meurtières de part et d'autre. La prochaine risque de l'être davantage encore en raison de l'augmentation du nombre de missiles et du fait que la doctrine israélienne consiste à frapper très fort et très vite avant que la communauté internationale ne l'oblige à reculer. Bref, tout ça n'a aucun sens et Israël gagnerait à avoir un accord de non agression avec l'Iran et ses alliés.
Ensuite, parce que les Etats font avant tout la politique de leur géographie. Et l'Iran, pas seulement la République Islamique, l'Iran comme entité historique se satisfait très bien d'un Etat Juif fort au Moyen-Orient, comme contrepoids aux Arabes. D'ailleurs, exception faite de quelques affaires d'espionnage montées en épingle pour des raison de propagande, l'importante communauté juive iranienne n'a jamais été persécutée ni inquiétée, contrairement à ce qui est arrivé depuis 1948 dans pratiquement tous les pays arabes. Or, la psychée israélienne a ceci de commun avec celles des Perses, qu'elle est aussi celle d'une Nation isolée, entourée d'ennemis arabes.
Et là, il n'y a pas quatre, mais seulement trois possibilités pour Israël:
-Soit, pour affronter l'Iran, s'allier aux pays arabes sunnites, et il lui faut pour cela régler préalablement et complètement le problème palestinien.
-Soit l'alliance stratégique avec les pays non arabes, c'est à dire avec la Turquie et l'Iran. C'est l'objectif qu'elle poursuivait dans les années 70. Jusqu'à la révolution islamique à Téhéran.
Je me souviens encore de mon oncle qui travaillait alors pour une société de shipping israélienne (la Zim) et qui voyageait régulièrement à Téhéran. Il en revenait à chaque fois ébloui par la qualité de l'accueil des Iraniens, leur finesse et leur intelligence. Et très satisfait des relations commerciales nouées avec ses partenaires.
Depuis 1979, les mollahs ont instrumentalisé leur conflit avec l'occident et Israël pour relégitimer l'Iran aux yeux des pays musulmans. ça a marché, grosso modo jusqu'en 2001. Depuis, un autre fondamentalisme, sunnite celui là, lui a volé la vedette. Puis il y a eu l'AKP en Turquie et le soit disant modèle turc, les retour des Frères musulmans, les "printemps arabes" et maintenant...la confusion et surtout une confrontation impitoyable entre chiites et sunnites-Iran contre Arabie Saoudite et Qatar- dont l'épicentre est la Syrie.
Mais il y a la troisième option, qui est de loin la meilleure et qui est...un mélange des deux premières:
Continuer à négocier avec les Palestiniens pour essayer de régler ce conflit. Mais cela prendra du temps et il y aura encore bien des contentieux (Jérusalem..), sans doute aussi de la violence, ET tenter en même temps un apaisement avec l'Iran qui a opté pour la modération. Cela suppose la déséscalade entre les deux pays, ou qu'au minimum la confrontation en reste au stade rhétorique.
Voilà ce que j'essayais d'expliquer. Mais je constate que Netanyahou n'a d'autre objectif que d'empoisonner la vie d'Obama et de se présenter en sorte de "roi des Juifs", lorsqu'il ne cesse de comparer l'Iran à l'Allemagne nazie, ou en prédisant un "nouvel Holocauste" si on laisse l'Iran se doter de la bombe. Se faisant il entretient, dans une partie du monde juif, une paranoïa effrayante, tétanisante, étouffante. Si on n'y cède pas on est un crétin qui n'a rien retenu de l'Histoire.
Plus grave, il prend le risque de mettre en danger la relation avec les Etats-Unis et il est d'ailleurs de plus en plus critiqué pour cela en Israël.
Bien sûr, il faut empêcher un Iran nucléaire.
Mais aujourd'hui, c'est aussi simple que cela: il y a plus de chances d'y parvenir par un accord sous surveillance internationale que par des menaces de guerre qui ne font qu'entretenir une autre paranoïa: celle des Iraniens.
Quand je vous dit qu'ils sont fait pour s'entendre...
Illustration: Michel Kichka
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7 Comments
Heureux sont les fêlés car ils laissent passer la lumière
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