Hommage à Mandela : Les absents ont (encore) tort

Obama a été la « vedette américaine » de l’hommage rendu à Nelson Mandela. Mais quelques mots (pas forcément d’excuses) s’imposent sur les illustres absents de cette cérémonie.

Lors de l’hommage rendu mardi à Nelson Mandela au soccer stadium de Soweto, Barak Obama s’est montré, tel qu’en lui même, l’héritier naturel de l’icône : rappelant combien il avait puisé dans l’œuvre et l’action de Mandela l’inspiration nécessaire à  l’« improbable itinéraire » qui avait fait de lui le premier président noir d’un pays qui, a-t-il rappelé, avait lui aussi connu la ségrégation raciale.
Obama s’est aussi permis de relever que certains chefs d’Etat réunis sous la pluie battante pour témoigner leur solidarité avec l’ancien prisonnier de Robben island ne se privaient pas d’emprisonner leurs dissidents.
Etait-ce une allusion indirecte au cubain Raul Castro dont il venait de serrer la main ? Poignée de main historique et bien dans la lignée de l’héritage du mentor sud-africain.
Obama avait bien rempli sa journée ponctuée par une de ces ovations auxquelles le grand orateur est désormais habitué, alors que Jacob Zuma, le président actuel de la républicaine sud africaine était hué à son arrivée par une partie du stade. Cette même partie qui, ostensiblement, quittait les gradins, une fois terminé le discours de la « vedette américaine », le seul au fond qu’elle souhaitait entendre.
Le « casting » des personnalités invitées à s’exprimer fleurait bon son ANC, tant il est vrai que (Obama étant hors catégorie), le tryptique Roussef, Castro, Li (vice président chinois) rappelait l’époque ou ces nations « non alignées » s’employaient à maintenir au goût du jour une vulgate marxiste et tiers-mondiste.

Mais plus intéressant encore est la liste des illustres absents.
A tout seigneur tout honneur : Vladimir Poutine. Le président russe ne brille pas exactement par son goût des bonnes manières et, lui qui a remis le goulag au goût du jour pour ses opposant (Khodorkorski) était certainement très peu enthousiaste à l’idée de rendre hommage à un homme qui était devenu président après 27 ans de prison.
Passons un peu vite sur Omar Al Bachir et sur le président égyptien (dont tout le monde ignore le nom étant donné que le pays est réellement dirigé par le général Al Sissi). Le premier, inculpé par le Tribunal Pénal International, risquait d’être arrêté. Quand au second, il s’agit sans doute d’une réponse à la suspension de l’Egypte par l’Union Africaine.
Reste les deux absences les plus remarquées, car toutes les deux décidées à la dernière minute : Celles du Président iranien et du premier ministre israélien. Hassan Rohani aurait, selon certains, renoncé au dernier moment pour complaire à la frange la plus conservatrice du régime déjà passablement outragée par l’accord de Genève. Obama, n’aurait pas, dit-on rechigné à une autre poignée de main avec le mollah. Deux ennemis jurés des Etats-Unis dans une même journée, le tout sous le regard du « commandeur » : Bingo !
Rohani aurait, en revanche, pu très facilement éviter de croiser le chemin de Benjamin Netanyahou. Mais le premier ministre israélien, qui s’était annoncé dans un permier temps, avait lui aussi renoncé in extremis à se rendre à Soweto, prétextant que le coût de son voyage (et celui de son escorte de sécurité) serait bien trop élevé.
Il est vrai qu’il avait été très critiqué dans son pays pour le luxe de son déplacement en Grande Bretagne pour les obsèques de Margareth Thatcher. La vérité est peut-être plus triviale que cela : Netanyahou préférait de beaucoup la dame de fer à Madiba, mais n’est pas allé jusqu’à l’avouer.
En Israël, de nombreux commentateurs sont consternés que leur premier ministre n’ait pas mesuré à quel point sa présence au milieu du gratin planétaire aurait été positive pour l’image du pays. Ce qui avait encore moins de prix, c’est que sa présence aurait coupé l’herbe sous le pied de ceux qui comparent-à tort- la situation des Palestiniens avec celle des noirs sous le régime de l’Apartheid.
Elle est surtout un affront à la mémoire des camarades de Mandela : Lors de son procès en 1956 la moitié des co-accusés blancs de Mandela était juifs. A sa sortie de prison il avait développé une relation d’amitié avec le grand rabbin d’Afrique du Sud qu’il appelait « mon rabbin ».
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13 Comments
@Bruno. J'ai supprimé votre commentaire qui était diffamatoire et injurieux. Si vous restez dans le cadre du débat courtois vous pourrez vous exprimer. Pour le reste n'est pas Mandela qui veut et le seul fait d'être emprisonné ne suffit pas. Quand à "Bibi" il n'est certainement pas Mandela et ne le prend d'ailleurs pas pour modèle. La question serait plutôt de savoir s'il est un "De klerk" éventuellement. Mais on ne voit pas de Mandela palestinien, non plus. Ce qui est assez compréhensible d'ailleurs au stade où il en sont de leur combat. De toute façon il est bien inutile de faire des comparaisons car les deux problèmes n'ont pas grand chose à voir. Le combat des noirs sud africains était tout à fait singulier. Ici on a un conflit entre deux peuples qui ont du mal à renconnaitre les droits de l'autre et à accepter d'exercer le leur en le limitant.

Sylvain Attal

Tiens on m'a fait taire comme d'habitude ! La liberté d'expression fait peur à ceux qui pratique l'apartheid !! Heureusement ce matin sur france culture j'ai été agréablement surpris par un journaliste qui a fait sa chronique sur ce sujet et qui dénonçait l'hypocrisie de ces chefs d'état qui encensent mandela et qui ferme les yeux sur la souffrance du peuple palestinien Vous avez évidemment reconnu edwie plénel que je salue et on pourrait même ajouter que dans les geoles israélienne se trouve peut-être un mandela de demain marwan marbouti !!!
Rendre hommage a Nelson Mandela c'est aussi comprendre qu'Israel n'est pas oblige d'etre un "Etat Juif", qu'on n'etait pas oblige de prendre aux uns pour donner aux autres (une injustice ne repare pas un crime) et qu'au lieu de construire des murs, on pourrait aussi apprendre aux Juifs et Musulmans de Palestine de vivre ensemble dans l'egalite, la justice et la fraternite. Mais pour cela il faudrait un - voire deux - Nelson Mandela sans doute de chaque cote du conflit Israelo-Palestinien et ce qui est certain, c'est que Bibi n'en est pas un. Il a eu bien raison de ne pas souiller Soweto de sa presence.
BRAVO ATTAL. TRES BELLE ANALYSE. IL Y A DES ABSENCES QUE L'ON PAYE PLUTARD.
@Walter Vous avez raison...et tort. Le procès de 56 concernait plusieurs dizaines d'activistes de l'ANC, mais ce n'est pas celui qui a condamné Mandela. Ie verdict de prison à perpétuité a été prononcé lors du procès de Rivonia,  (1963, en effet) tous les prévenus blancs étaient juifs et l'un d'eux, Denis Goldberg subit la même sentence. J'ai en effet fait une confusion entre les deux procès, mais cela ne change rien au raisonnement. Je dirais même, au contraire! Quand à ceux qui font le paralèlle entre l'occupation israélienne et l'Apartheid, je connais les arguments, et aussi le terrain...Je maintiens que la comparaison ne peut être faite justement parce qu'il s'agit d'une occupation d'un peuple et d'une terre qui a vocation a connaître l'autodetermination. En Afrique du Sud il s'agissait du même pays où la ségregation était officielle. En Israël/Palestine les esprits les plus lucides pronent au contraire la séparation entre deux Etats. On peut parfaitement opposer aux partisans de l'annexion que la seule façon de perpétuer la domination juive sur la Palestine serait d'imposer un régime discriminatoire qui ressemblerait fort à l'Apartheid...jusqu'à un certain point car la discrimination portant sur la couleur de la peau n'est pas tout à fait comparable. Disant celà je ne prétend pas convaincre les critiques qui montrent par leur ton (mais c'est leur droit) qu'ils ont une vision partialle et purement partisane du conflit.  

Sylvain Attal

Confondre Israel et les juifs d'Afrique du Sud ! Non. Mais un grand bravo à ces juifs d'Afrique du Sud et honte à Israel des années 1970 à 80.
Bravo Attal ! Vos analyses sont presque toujours justes. Naturellement quand on est juste on se heurte forcément aux partisans, par nature jamais objectifs. J'aime !
Mollah, mullah, mulla ou mollâ (en persan ملا ; मुल्ला en hindi), désigne un érudit musulman dans des pays dont le langage a une influence perse: Iran, Afghanistan, sous-continent indien, turquie,etc.
Il semble que le Dalai Lama n'a pas eu son visa d'entré pour aller aux obsèques de Madiba parce que la Chine a fait pression sur le gouvernement Sud Africain.
Bravo Bruno Exact ! A vomir. j'aime bien le "rabbin nitouche ".
? avez-vous bien lu l'article, camarade ?
réflections intéressantes, mais il faut savoir que son procés a été en 1963-64, en tout cas son "speech from the dock" célébre a été en avril 64 donc pas en 56? si tu va citer des dates au moins fais l'effort de vérifier? ca doit etre important, surtout dans le journalisme...sinon on sait plus?
" A ceux qui comparent à tort" la situation des palestiniens à celle des noirs". Monsieur Attal, vous êtes vous déjà rendu dans un camp de réfugiers palestinien ? Avez-vous déjà traversé les chemins de terres qui passent en dessous des routes réservés aux colons israéliens? Vous êtes vous rendu à gaza, qui n'a rien à envier à soweto tant la misère et la pauvreté y règnent. Avez-vous déjà été vous promener dans la vallée du Jourdain, annexée par Israel, où la plupart des terres fertiles, ou du moins ce qu'il en reste, sont réservés aux israéliens? Vous décrédibiliser votre profession de journaliste en rejetant une comparaison entre l'Apartheid en Afrique du Sud et celui qui perdure aujourd'hui en Palestine occupée.

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